Retrouvez l’article écrit par Bérangère Hittinger, publié dans le magasine de la sécurité, santé au travail : SST MAG n°26; abordant le bashing et l’isolement en entreprise.

Exclusion, dénigrement, stigmatisation d’un individu recouvrent une même réalité en situation de travail : celle du bashing en entreprise. Caractérisé par un défoulement collectif destiné à dénigrer autrui, c’est une forme de violence au travail qui entraîne des conséquences lourdes pour la victime : isolement, perte de confiance en soi, dégradation profonde de l’état de santé psychique… Pour éviter de tels effets, il est essentiel de mettre en place des mesures préventives dès l’apparition des premières manifestations.

Il est possible de détruire un individu juste avec des mots, des jugements, des sous-entendus… C’est ce qu’explique la psychiatre Marie-France Hirigoyen pour caractériser le harcèlement moral, violence perverse au quotidien, dont le bashing fait partie1.

ENTRE VIOLENCE ET HARCÈLEMENT MORAL

A l’ère de la critique incessante où l’on juge et condamne sans préavis tout comportement différent ou simplement pour le plaisir de dénigrer l’autre, le bashing s’est peu à peu introduit comme une dynamique de fonctionne- ment au sein de certains collectifs de travail. La stigmatisation d’un individu par un groupe est au cœur du procédé : personne ne lui dit bonjour et aucune considération ne lui est portée.

L’exclusion est poussée à son paroxysme : le bashing ne fonctionne que s’il y a un consensus, conscientisé ou non, entre les membres du collectif. Tous adoptent des comportements en faveur d’une mise à l’écart toujours plus marquée de la victime. Détecter le bashing suppose de s’intéresser à ses manifestations. Le cas ci-dessous2  révèle certaines pratiques :

« En quelques mois après une réorganisation de services, X est devenu le bouc-émissaire dans son entreprise : chaque mauvaise décision ou erreur lui est reproché, les critiques incessantes s’accumulent sur un travail qui, loin d’être encouragé, est dénigré au quotidien. L’équipe dans laquelle il travaille ne se contente pas de le laisser de côté : des rires, des chuchotements parviennent à ses oreilles régulièrement. Il est devenu (ou plutôt perçu par les autres de manière tout à fait subjective) le plus nul, le moins intelligent, celui sur lequel on se défoule lors des réunions… sans doute aussi pour que les membres du groupe se rassurent et cachent leur propre forme d’incompétence ».

Tout le monde peut-il être victime de bashing au travail ? Pas exactement, puisque des caractéristiques communes se retrouvent chez les personnes sur lesquelles l’acharnement se produit.

LES TYPOLOGIES DE VICTIMES DE BASHING

L’étude du phénomène dans les situations réelles de travail permet de dégager une typologie de victimes.

* La victime « dernière arrivée » : en raison de son manque d’expérience dans le poste et de sa faible ancienneté dans l’équipe, elle est la victime idéale.

* La victime « dont l’état de santé est déjà dégradé » : la personne vit déjà une souffrance et n’est pas en pleine possession de ses ressources personnelles.

* La victime « isolée » : son réseau social est peu étoffé. Il est plus simple de s’acharner contre quelqu’un qui est seul que contre quelqu’un bien entouré.

* La victime « moyenne » : elle se caractérise comme une personne moyenne à différents égards : compé- tences moyennes, apparence physique passant inaperçue, personnalité réservée, voire introvertie.

« Il est nécessaire de travailler à l’identification des ressources qui permettront à la victime de faire face durablement à la situation qu’elle est en train de vivre et de se protéger de nouveaux agissements »

Le bashing en entreprise aboutit à une mise à l’écart toujours plus marquée de la victime.

Le bashing en entreprise aboutit à une mise à l’écart toujours plus marquée de la victime.

QUE DIT LA LOI ?

Le bashing est prohibé, tout comme les autres formes de harcèlement moral. En entreprise, l’employeur doit se soumettre à des obligations légales pour protéger la santé de ses collaborateurs et lutter contre les violences (article L 4121-1 du Code du travail- ancien L230-2).

« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » (article L 1152-1 du Code du travail).

Les mesures répressives condamnent les agissements. Mais qu’en est-il de l’accompagnement des victimes ? Les conséquences en termes d’isolement et de souffrance doivent être prises en charge.

                                                                                                      

1 Hirigoyen, M. F. (2003). Le harcèlement moral : la violence perverse du quotidien.

Editions La Découverte.

2 Extrait d’une situation prise en charge par le Cabinet Présence Conseil.

LE RÔLE DU PSYCHOLOGUE DU TRAVAIL

Le psychologue du travail est un acteur incontournable pour aider à prévenir les situations à risques et accompagner les victimes vers un mieux-être et une amélioration de leur état de santé.

Dans un premier temps et pour répondre à l’urgence de prise en soin, le psychologue du travail a vocation d’être à l’écoute de la victime, à travers un espace de libre expression et une présence. Il est primordial de rompre l’isolement.

Ensuite, il est nécessaire de travailler à l’identification des ressources qui permettront à la victime de faire face durablement à la situation qu’elle est en train de vivre et de se protéger de nouveaux agissements. C’est le rôle du psychologue du travail d’accompagner la victime vers une mobilisation sur le long terme de ses ressources personnelles. Le psychologue du travail est aussi force de conseil auprès du collectif. Il est compétent pour sensibiliser l’ensemble des salariés sur les agissements nocifs et violents qui relèveraient du bashing.

Les acteurs de la prévention du bashing et de l’isolement sont multiples : internes à l’entreprise (employeur, préventeurs…) et externes (médecin du travail, psychologue du travail, cabinets spécialisés en prévention des risques psychosociaux…).

C’est l’action conjointe et commune de tous qui protégera durablement les individus et les collectifs face aux violences au travail, dont le bashing fait partie.

Photo de Bérangère Hittinger, l'autrice
BÉRANGÈRE HITTINGER

Psychologue et docteur en ergonomie, directrice des opérations au sein du cabinet Présence Conseil depuis 2019, Bérangère Hittinger est spécialisée dans la prévention des risques psychosociaux et la promotion de la qualité de vie au travail. Au quotidien, avec son équipe de consultants confirmés, elle développe des outils de prévention novateurs dédiés aux organisations comme aux individus permettant de concilier performance, réussite et bien-être. Elle est également cofondatrice avec Philippe Neuville de la plateforme Présence Digital.